C’est ce que dit Agustín Arrieta Urtizberea dans l’interview réalisée par la revue Elhuyar: «La pensée critique est la capacité de remettre en question nos croyances. C'est inconfortable parce qu'il exige un effort. Le plus confortable est de nourrir constamment vos croyances».
La situation actuelle exige un effort particulier, car à la même époque se sont mêlées la peur de se contaminer, l'incertitude quant à l'avenir, le flux continu d'informations et de broussailles, les limites et les normes... Qui croire ?
Pour y contribuer, Elhuyar a publié un décalogue de pensée critique. Entre autres, il propose de remettre en question ses convictions et celles de ceux qui ont une certaine autorité, de faire plus d'une hypothèse, de prendre soin des fautes, de se baser sur la méthode scientifique, et de distinguer entre faces news ou broussailles dans l'inondation d'informations et d'agir avec responsabilité.
Cet excès d'information est également connu comme infodémie. L'Organisation mondiale de la santé a converti au printemps le terme officiel et, en plus d'avertir du danger qu'elle comporte, a donné des conseils pour réduire ses effets nocifs. Parmi ces conclusions, on a cité les dommages à la santé physique et mentale, l'augmentation de la stigmatisation et la rupture des attitudes contraires aux normes.
Par la suite, certains gouvernements, dont l'espagnol, ont créé des systèmes de contrôle pour éviter la diffusion par les médias de nouvelles qu'ils considèrent comme fausses et nuisibles. Cependant, ces mesures suscitent de grandes incertitudes et, pour le moment, ne semblent pas avoir été très efficaces, car l'émission de ce genre de nouvelles n'a pas diminué.
Cela n'aide pas beaucoup que certaines nouvelles provenant de l'environnement scientifique et technologique soient plus proches de la propagande que des données objectives. La publication (preprint), antérieure à son analyse par des chercheurs indépendants, est devenue une pratique habituelle et, ces derniers temps, les nouvelles sur les vaccins du covid-19 sont venues de la main des compagnies pharmaceutiques et comme des communiqués de presse avant d'être confirmées par des chercheurs indépendants, des publications scientifiques et des organismes de réglementation.
De nombreux scientifiques ont critiqué ces tendances et ont ouvert un débat sur la façon d'équilibrer les délais requis par la science et l'urgence de répondre à la situation d'urgence. Il serait important que la société participe à ce débat : quelles recherches, quels objectifs, pour qui, comment et quoi compter, quand. Pour cela, la transparence et une société habilitée, capable de penser de façon critique, de demander sont indispensables.
Et c'est que, comme l'a rappelé Arrieta, perdre l'objectivité et le respect des valeurs épistémiques est très dangereux: c'est la porte à la manipulation et au totalitarisme quand il vient de la main du conformisme.